Je reviens vers vous concernant vos questions sur le transfert de salarié. Vous trouverez ci-dessous mes développements et ci-joint un modèle de convention tripartite de transfert de CDI.
La mutation du salarié au sein d’une nouvelle structure, même si elle intervient intragroupe, ne peut survenir sans l’accord du salarié, et ce même si ce dernier dispose d’une clause de mobilité dans son contrat de travail. En effet, le Cour de cassation a affirmé par un arrêt rendu par la chambre sociale le 19 mai 2016 que la clause de mobilité par laquelle un salarié lié à une société s’est engagé à accepter toute mutation dans une autre société est nulle, même si cette société appartient au même groupe.
En effet, bien que les 2 sociétés appartiennent au même groupe, il n’en demeure pas moins qu’elles sont considérées comme deux personnes morales distinctes. Le passage d’une société à une autre a donc pour conséquence de modifier un élément substantiel du contrat de travail étant donné que le cocontractant du salarié change, ce qui requiert donc son accord express.
En d’autres termes donc, si le salarié refuse la mutation d’une société à une autre, l’employeur ne peut lui imposer, et ce même si ladite mutation se fait sur un poste équivalent et dans la même zone géographique.
En revanche, si le salarié est d’accord pour changer de société, alors le moyen préféré par les juges est le recours à une convention tripartite entre l’ancienne société, la nouvelle et le salarié. Si avant la jurisprudence recommandait le recours à une rupture conventionnelle en parallèle de la convention tripartite, ce n’est plus le cas depuis un arrêt rendu en 2016 à l’occasion duquel les juges ont énoncé que les dispositions relatives à la rupture conventionnelle « ne sont pas applicables à une convention tripartite conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d'organiser, non pas la rupture, mais la poursuite du contrat de travail » (Cass. Soc., 8 juin 2016, n°15-17.555).
Dans l'arrêt précité, les parties avaient prévu que le premier contrat de travail soit rompu par le biais d’une résiliation amiable stipulée au sein de la convention tripartite de transfert. La Cour de cassation a validé l’emploi de ce mécanisme, lequel est bien moins contraignant qu’une rupture conventionnelle.
Désormais, la formalisation de la rupture du contrat de travail ne paraît plus requise : elle peut être formalisée dans la convention tripartite elle-même.
D’un point de vue pratique, l’attestation Pôle Emploi devra tout de même être établi, au même titre que les autres documents de fin de contrat tel que le certificat de travail et le reçu pour solde de tout compte, et cette dernière se doit de renseigner un motif de rupture de la relation de travail. Il semblerait qu’il soit possible d’indiquer « autre motif : rupture amiable dans le cadre d’une convention tripartite de transfert ».
Par la suite, un arrêt de la Cour d’appel de Poitier, rendu le 17 janvier 2018, est venu apporter des précisions à l’établissement de la convention en énonçant quelles clauses devraient être obligatoires, et quelles clauses devraient être facultatives.
Les clauses obligatoires :
La convention tripartite devrait impérativement comporter les mentions suivantes :
- L’information des parties sur le statut individuel et collectif applicable ;
- Les clauses du contrat transférées ;
- La reprise d’ancienneté et l’absence de période d’essai ;
- Le sort des dettes contractées par l’ancien employeur : on peut aisément envisager que soient réglés ici le sort de la rémunération variable du salarié et autres primes ;
- Le régime des congés payés ;
- La détermination du statut collectif applicable ;
Il est également conseillé de prévoir un paragraphe ou une mention précédant la signature, qui expose clairement les conséquences sur le contrat de travail initial.
Les clauses facultatives :
D’autres clauses peuvent être envisagées, telles que :
- un délai de réflexion avec faculté de rétractation des différentes parties,
- une période probatoire, couplée le cas échéant avec un droit de retour dans l’entreprise d’origine,
- le sort des régimes de prévoyance.
Cette liste n’est pas exhaustive.
Par ailleurs le sort de certaines clauses antérieures devra être réglé, comme par exemple celui de la clause de non-concurrence si le contrat initial en comportait une.
Le but est donc de ne pas laisser coexister 2 contrats de travail mais bien de mettre fin au premier pour le remplacer par un nouveau.
En effet, la convention tripartite de transfert a pour vocation de rompre le contrat initial, il est donc impératif d’en conclure un nouveau.
Le nouveau contrat peut prévoir :
* La reprise des clauses du contrat antérieur : en cas de mobilité en France et de statut collectif similaire, les parties peuvent convenir de reprendre les clauses du contrat rompu dans le cadre d’un nouveau contrat ;
* La modification de certaines clauses du contrat de travail. Par exemple, dans l’arrêt précité le nouveau contrat de travail prévoyait une reprise d’ancienneté et l’absence de période d’essai, et modifiait - à la hausse - la classification du salarié transféré (Cass. Soc., 8 juin 2016, n° 15-17.555).
* La rédaction d’un contrat de travail totalement différent, sans référence contrat de travail initial, dès lors que le nouveau contrat ne contredit pas les termes de la convention de transfert.
Une autre possibilité s’offrant à vous est de maintenir le contrat de travail en l'état par le biais de la cession conventionnelle de contrat sur le schéma des articles L. 1224-1 du Code du travail et suivants.
L’article L1224-1 du Code du travail dispose “Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.”
Vous pouvez faire une application volontaire de ce régime afin de transférer le contrat de travail d’un employeur à un autre.
Un employeur peut procéder à un transfert volontaire du contrat de travail mais dans ce cas, l’accord du salarié est nécessaire. Le transfert volontaire du contrat de travail peut se faire si, et seulement si, le salarié accepte une proposition de transfert dans une autre entreprise dirigée par le même employeur. L’ancien et le nouvel employeur doivent, de leur côté, réaliser les formalités nécessaires au transfert du contrat de travail.